Peut-on encore parler de tendances en 2018 ? A l’heure où Balenciaga fait défiler des amas de vêtements qui cachent complètement la silhouette humaine (#CristobàlDoitFaireLescalopeMilanaiseDansSaTombe), ou met en vente une « chemise de Kévin des années 2000 » à 1400€, où les collections Vetements ont un sérieux goût de réchauffé (Oui j’ai un problème avec Demna Gvasalia), où la cosmétique et la parfumerie sont devenus des poumons financiers pour les marques…

Un seul constat, le monde de la mode va mal. Les créatifs sont vidés et les marques nous proposent une tendance toujours plus uniforme (Zara et les grandes marques, même combat), sur un fond de rébellion qui est à la recherche d’une mode significative : plus respectueuse, plus humaine, plus empathique.

Pourtant, il n’y a jamais eu autant de défilés pendant la Fashion Week Parisienne. Toujours plus de marques présentent leurs créations dans la capitale mondiale de la mode, mais quel est l’intérêt si les créations sont vides de sens. Quelque 300 marques défilent en Fashion Week à Paris. Les marques Américaines et Anglaises délaissent leur pays pour venir défiler dans la capitale de la mode. Le but ? Se donner un sens. Paris est un gage de qualité, c’est se rapprocher de la genèse pour mieux briller là où la créativité peut faire défaut ?

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Début du phénomène

Depuis les années 90, le vestiaire n’a pas connu de modifications majeures. Le XXe siècle a principalement été marqué par des évolutions significatives du vestiaires masculin et féminin. Petit à petit, le consommateur de mode est allé vers une « casualisation » de son quotidien. On ne s’habille plus pour les mêmes raisons ni dans le même but. Le vêtement n’est plus seulement un marqueur de hauteur sociale, il est devenu marqueur d’appartenance à un groupe, à un sociostyle, « Je m’habille pour montrer ça de moi. Je porte ça pour que l’on m’identifie à ce groupe ». Les grandes tendances dictées par la mode n’existent plus, la mode s’est hybridée et universalisée dont les maîtres mots sont « No Gender & No Shapes ».

L’époque bénie du t-shirt blanc qui valait trois milliards

La tendance street, influencée par la rue et le monde de la musique, florissante dans les années 90 s’est installée durablement dans les vestiaires. Des basiques sans signes distinctifs se sont installés dans les rayons des magasins de luxe. Ont suivi les sneakers, devenu objet de fantasmes et de convoitise. On spécule sur une sneaker comme on spéculerait sur des actions en bourse. Ces objets mode, qui n’avaient initialement pas leur place dans un vestiaire du quotidien sont devenus les fondements des tendances depuis 20 ans. Les prix s’envolent, les consommateurs s’affolent à la sortie du moindre nouveau modèle.

C’est une modification profonde du désir du consommateur qui s’est installée avec le temps. Il y a 70 ans, les femmes se damnaient pour un tailleur Bar de chez Dior, aujourd’hui un simple t-shirt floqué « SUPREME » provoque le même engouement.

Nos goûts se sont standardisés et assagis.

Sans parler de la disparition partielle du désir de proposer du nouveau. Les grandes marques usent et abusent de leurs codes en réchauffant des collections tombées en désuétudes avec le temps. Les collections hommage sont devenues un gage de sécurité. Le plus bel exemple récent reste sans aucun doute Versace : mêmes imprimés, mêmes modèles et même mannequins. Les rides mises à part, la confusion est facile entre une collection des années 90 et celle de 2018.

Pourquoi un tel phénomène ?

Les réponses à ce vide créatif existent.

D’une part, on consomme beaucoup moins de « vrai mode » (la fast fashion mise à part), on est passé de 11,9% en 1960 à 3,9% en 2015. Le consommateur s’est détourné des créateurs au profit d’enseignes qui proposent plus de collections et plus de choix. Le consommateur a profondément changé, il est devenu contradictoire, il sait ce qu’il veut tout en ne sachant pas à quel saint se vouer. Cette hésitation a eu pour effet de perdre les marques qui se retrouve dans une absence totale de repères clairs pour construire un positionnement solide.

Il faut aussi incriminer le marketing, qui dans les années 80-90 a pris une nouvelle dimension, il est devenu créatif pour faire rêver le consommateur qui aujourd’hui est lassé par le surplus d’informations qu’il emmagasine au quotidien. En 2018, le client mode n’est plus réceptif, il faut construire de nouvelles stratégies détournées pour qu’il daigne porter de l’intérêt au produit.

Mais le paramètre le plus important est sans aucun doute le fait que dépenser est devenu immoral. Le luxe ostentatoire est devenu désuet dans une société où les crises économiques se succèdent sans véritable fin. Le t-shirt blanc et le sac à dos ont remplacé la chemise en soie et le sac en cuir.

Un passage de flambeau involontaire

 

Qui dicte vraiment les tendances en 2018 ? L’avis du créatif importe-t-il encore quand Instagram est en passe de devenir le roi des réseaux sociaux (600 millions d’utilisateurs mensuels actifs en 2017). Les créatifs n’ont finalement plus leur mot à dire. Les influenceuses ont remplacé les journalistes en front row, c’est assez significatif pour être souligné. La mode aujourd’hui, elle vient deux, de ces influenceurs qui fédèrent des communautés à plusieurs millions de membres actifs, qui sont devenus du pain béni pour les marques (avec des taux de transformation record) leur avis a plus de poids et un impact beaucoup plus rapide qu’une publicité classique. La balle a changé de camp au profit de ces influconsommateurs qui sont les nouvelles références tendance : ils consomment, partagent ce qu’ils consomment et poussent à l’achat sans cette barrière que peut représenter la communication publicitaire.

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Mais, ce vide créatif est un présage de grand bouleversement dans les tendances à venir, le calme avant la tempête pour certains. La mode bouge et s’adapte aux sociétés, les niches de clientèle évoluent elles aussi. Aujourd’hui, c’est sur le marché asiatique que les marques s’ouvrent, parce que ces pays sont avides de nouveautés et de libertés stylistiques (trop longtemps étouffées par la dictature). Ce sont aussi les nouveaux pays à Self Made Man, une aubaine pour les marques occidentales qui, même si elles subissent un vide créatif, gardent un gage de qualité certain aux yeux des consommateurs du monde entier.

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